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Un jour, une histoire; Delarue en moins.
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8 mars 2010

J'ai cru mourir, hier...

Ce matin aussi mais hier, bon sang, hier. J'ai vraiment failli y passer.

Le pire c'est que personne ne m'a cru. C'est vrai que je ne pesais pas lourd avec mes arguments. J'en avais pas.
Le seul truc dont je me souvenais c'est d'avoir sacrément flippé. Une peur bleue j'ai eu, pour être tout à fait précis.

Mais ça ne suffisait apparemment pas pour convaincre. De nos jours il faut mettre des mots sur tout pour être pris au sérieux. Moi les mots c'est pas mon fort, heureusement y'a Joëlle, la collègue de ma mère. Elle sait mettre en mots les maux de chacun, principalement les miens. C'est d'ailleurs sûrement la personne qui me connait le mieux au monde. Elle est foutrement calée en tout ce qui touche aux sciences humaines, elle est abonnée à Psychologies magazine. Elle est comptable. Je ne l'ai jamais vu.

La première fois que j'ai eu affaire à Joëlle, j'avais à peu près cinq ans. Je lui en suis encore reconnaissant.
A cinq ans, routine déjà bien marquée, je passais mes mercredi après-midis chez ma grand-mère à matter le téléfilm de la Six. Enfants échangés à la naissance, enfants cancéreux, enfants échangés à la naissance et cancéreux, la Six aussi avait sa routine bien marquée. Une fois pourtant, un manqué de l'équipe sûrement, ni drame ni larmes, une simple histoire d'amour. Et une scène d'amour. Moi, cinq ans, titillé comme jamais par  toute nouveauté, j'en avais pris pleins les yeux. Faut dire que jusqu'ici Saylor Moon tournicotant les seins à l'air dans un tourbillon de fumée était de loin le spectacle le plus osé auquel j'avais été exposé. Une chose était désormais claire, je devais savoir si ce que j'avais vu cet aprèm' était un truc universel. J'aurais tellement aimé que Lucie, ma meilleure copine d'école, soit là. Elle est sans aucun doute la fille la plus belle que mes yeux aient eu la chance de fixer. Mais impossible, elle était chez elle. A 5 ans, tout le monde est chez soi, tu parles d'une vie. Le soir même, alors, j'enfreignais la règle de l'intimité établie à la maison et entrais dans la salle de bain quand ma mère y était, la fixant sans bouger. Erreur. Une baffe, une engueulade, et au lit.

Le lendemain matin, en tête à tête avec mon père, on avait déjà connu plus gai comme petit déjeuner. Lui non plus n'est pas bien à l'aise avec les mots. Il essaye pourtant, c'est souvent gênant mais touchant. Je crois. Alors entre deux tartines il me lance un "je sais ce que c'est, j'ai eu ton âge aussi tu sais. Mais c'est ta maman, tu ne dois pas. Enfin, tu ne peux pas.". What the f***?. Enfin, vu la tension du moment j'avais juste envie d'écourter la chose, pour moi comme pour lui. Alors j'ai dis "d'accord papa, pas maman" et on est parti pour l'école.

Le soir, changement de tons. Joëlle était intervenue.

Ni une ni deux elle nous avait fait une analyse des plus pointilleuses de la scène de la veille. C'est la faute d'Oedipe que ma mère disait. Joëlle avait tout mis en lumière: l'attirance du jeune enfant pour le parent de sexe opposé ainsi que l'envie de tuer le parent de même sexe, le voyant comme un rival. Il s'agissait du "complexe d'Oedipe". J'étais normal. Quelle joie dans le foyer parental. Même mon père semblait on ne peut plus soulager d'apprendre la nouvelle. Et tant pis si je voulais le tuer, j'étais normal. C'est fou comme de simples mots peuvent nous faire tout accepter.

Du coup ça aurait été dommage de décevoir, j'ai regardé mon père dans les yeux et lui ai dis "je te hais", tout en serrant ma mère dans les bras, logeant ma tête entre ses seins; pour la forme. Tout le monde était satisfait. Joëlle avait mis en pratique ses lectures psychologiques nocturnes, mes parents se félicitaient de ne pas avoir failli dans mon éducation et d'avoir un fils normal. Et quant à moi, je pouvais continuer à satisfaire mes interrogations coquines sans aucune gêne; au nom d'Oedipe.

J'aurais simplement aimer que ce ne soit pas avec ma mère.

A suivre.

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